- Les fabriques de l’intox
- Les réseaux sociaux
- L’ignorance des masses
Les méfaits conjugués de ces 3 complices contribueraient à générer et diffuser largement les infox. Mais face à ce fléau ancestral, le numérique n’est-il qu’un nouveau moyen de propagation ou ouvre-t-il une nouvelle perspective dans ce brouillard du Fake ?
Les 3 suspects de la Fake News
1. Les fabriques de l’intox, les faussaires des temps modernes
Les premiers suspects de ce procès sont accusés de fabriquer et diffuser des contenus douteux sur Internet. Ces nouveaux faussaires des temps modernes se regroupent sous plusieurs noms :
- Tout d’abord, le croyant dont la version extrême est le complotiste, qui défend son idéologie sur Internet. Pour ce cas, les exemples sont multiples et ont tendance à devenir de plus en plus nombreux comme l’atteste la Fake News sur le Traité d’Aix-La-Chapelle de 2019.
- Ensuite, le pro de l’intox qui a compris qu’il pouvait générer des revenus publicitaires ou orienter l’opinion avec des articles “piège à clics” postés aux bons moments auprès des bonnes communautés.
- Et puis il y a le troll dont le jeu favori est d’agiter les polémiques, de jouer sur les croyances et les peurs des gens… Bien sûr, dans ce cas là, le chef de file du trolling planétaire est connu de tous… impossible de se “trumper” depuis son élection dans la nation à la bannière étoilée.
Pour ce premier groupe de suspect, le procureur politico-médiatique réclame une meilleure régulation de ce marché de l’information libéralisé, tandis que le juge politique veut une loi pour interdire les Fake news en période électorale. Si leurs solutions sont intéressantes, elles sont toutefois trop limitées. La lutte contre les Infox ne doit pas être faite au nom de la défense d’un monde où l’on nous dirait ce que nous devons penser. En effet, c’est dans la réinvention complète du modèle médiatique (création du “Deezer de l’info” par exemple) que doivent se concentrer les efforts de chacun.
2. Les réseaux sociaux, l’arme de propagation massive
Le second suspect qui se présente à la barre du tribunal de l’opinion est lui accusé d’avoir fourni un outil de propagation massive aux fabriques de l’intox. Facebook, Twitter, Instagram… ont fondé leur modèle économique sur leur capacité à retenir et engager les individus. Des actions qui vont fournir, à terme, les datas permettant d’alimenter l’homophilie du web. C’est le fameux problème des “bulles de filtres”.
Outre cette vision déformée de la réalité, les réseaux sociaux favorisent la propagation en masse des contenus incriminés dans ce procès. Dans ce cas précis, l’exemple de Whatsapp et des élections brésiliennes est intéressant. En effet, l’application téléchargée par près de 123 millions de Brésiliens a été utilisée par des fabriques de l’intox pour inonder cette élection d’infox et orienter opinion. Face à ce second suspect, le juge enjoint, en France, les plateformes de trouver des solutions pour endiguer les risques de manipulation. L’enjeu est celui de la transparence à la fois dans l’algorithme de recommandation des contenus, mais aussi dans le financement du ciblage publicitaire massif.
3. L’ignorance des masses
Le dernier suspect est souvent accusé d’être le simplet de la bande, “l’Averell” du trio. Car même s’il est vrai que ce sont les profils les moins éduqués et les jeunes qui tombent le plus dans le panneau de ce type d’info, les fake news n’épargnent personne, pas même les plus avertis. Nous sommes tous habités de biais cognitifs qui nous font adhérer à certains types de discours et nous rendent vulnérable et diffuseur de Fake News.
Pour ce suspect, le procureur va requérir une éducation obligatoire aux médias. Mais soyons clairs, si éducation à l’information veut dire éducation au langage et notamment aux techniques de manipulation, à la dialectique et à la rhétorique, cela portera ses fruits ! Si en revanche, cela signifie apprendre à regarder quelle est la source pour savoir si c’est un grand média ou non, alors nous pouvons être moins affirmatifs sur le résultat voulu. Ne décrétons pas d’emblée quelles sont les sources légitimes ou non, car la désinformation peut venir de partout, d’un politique sur twitter, d’un blogueur et même d’un président des États-Unis, c’est dire. Il s’agit donc davantage d’armer notre citoyen/consommateur sur le maniement de sa propre langue.
Le numérique : victime ou bourreau des infox
Ces 3 suspects représentent les coupables idéaux, car ils sont la réponse aux 3 questions que se pose tout le monde :
- Qui est l’émetteur de fausses nouvelles (les fabriques de l’intox),
- Où se propagent-elles (sur les plateformes)
- Pourquoi se propagent-elles (à cause d’un défaut d’éducation des masses).
Le dossier paraît bouclé, l’affaire réglée. Il y a juste un facteur qui est souvent mis de côté : le crime est bien antérieur à l’existence des suspects. La désinformation est un principe inhérent à la nature humaine. Depuis les confins de l’humanité, la rumeur a toujours existé.
“Le numérique est certes le poison mais il est aussi le remède” – Caroline Faillet
Alors, plutôt que de crier haro sur le numérique qui amplifie ce phénomène, il est plus opportun de voir en lui, pour la première fois dans l’histoire, un moyen de contrôler l’impact de la désinformation. Le numérique est certes le poison, mais il est aussi le remède. En effet, la méthodologie du cabinet Opinion Act, spécialiste de l’impact du numérique sur les publics, met en avant que le web permet d’observer directement les traces du parcours de l’internaute quand il s’informe sur un sujet et de savoir ce qu’il recherche, ce qu’il partage et à combien d’informations suspectes il a été exposé.
Ces points sont autant d’entrées sur lesquels il est possible d’agir pour contrer le phénomène de désinformation. Toutefois, repérer ces points ne suffit pas, encore faut-il avoir les leviers nécessaires permettant de prendre la parole et les contenus pour convaincre.
Le constat de Opinion Act qui modélise des parcours d’influence depuis plus de 15 ans, est qu’un certain nombre d’acteurs de la connaissance, dont l’opinion est fondamentale pour interpréter des faits (des scientifiques, des élites économiques, politiques…) ne prennent pas la peine d’occuper les résultats de google, les pages Wikipédia, les réseaux sociaux par lesquels les internautes cheminent.
Par conséquent, évitons-nous les frais d’un procès en révision en mettant au pilori les plateformes et les foules irrationnelles et focalisons-nous sur le vrai coupable, nous tous, nous qui par notre expertise détenons des éléments de vérité et qui ne disons rien, ou pas assez fort. Alors, dans ce procès public de la Fake News, il n’y a qu’une solution, celle de Caroline Faillet : SOYONS TOUS DES FACT CHECKEURS !