Les renseignements relatifs à votre âge, à vos goûts et à vos projets attirent les annonceurs qui rêvent de proposer systématiquement le bon produit à la bonne personne au bon moment. Mais elles constituent aussi un véritable gisement d’innovation, pourvu qu’elles soient correctement analysées et transmises à ceux qui élaborent les nouvelles offres dans l’entreprise.
Le Financial Times a lancé il y a quelques années une initiative intéressante. Le célèbre quotidien a mis en ligne un simulateur, toujours accessible sur Internet (*), qui estime la valeur de vos données personnelles. Verdict : si vous vous contentez de fournir vos informations de base (âge, sexe, lieu d’habitation, origine ethnique et niveau d’éducation), votre profil ne vaut que 0,007 dollar. Mais ce montant bondit à 0,102 dollar si vous attendez un premier enfant… et il est encore multiplié par six si vous déclarez être atteint de dépression et de diabète ! Dans le même esprit, les chercheurs de l’université de Madrid ont conçu le Facebook Data Valuation Tool (FDVT), une extension pour navigateur web qui calcule en temps réel la valeur économique dégagée par votre activité sur le réseau social aux 2 milliards de membres. Ils ont découvert notamment que les annonceurs étaient prêts à payer deux fois plus pour cibler un utilisateur américain que son homologue espagnol…
Ces deux initiatives rappellent à quel point la collecte de données est devenu un business lucratif qui attise toutes les convoitises. « Ce phénomène n’est pas isolé, il s’inscrit dans un grand mouvement de “datafication” – de quantification du réel à travers la production de données », explique Julien Lévy, directeur du Centre Digital de HEC Paris. Nous créons d’ailleurs nous-mêmes des données à longueur de journée en consultant nos emails, en achetant des marchandises sur Internet et en pianotant sur notre smartphone ou notre tablette. « Tout usage d’un outil numérique produit de la donnée, et comme les outils fonctionnent généralement en réseau, cette donnée est transmise dans le réseau » poursuit Julien Lévy. Une fois que le cercle vertueux est enclenché, rien n’arrête la croissance des géants du web comme Google, Facebook ou Alibaba. « Seules quelques entreprises dans le monde disposent de masses considérables de données sur une masse considérable de gens. Une très grande asymétrie s’est créée dans le jeu concurrentiel, qui se traduit par des niveaux de profit faramineux chez les gagnants de cette compétition », observe Julien Lévy. Les députés de la majorité à l’Assemblée Nationale planchent actuellement sur un amendement qui consacrerait la propriété inaliénable des données numériques et envisagent de faire payer les grandes plateformes pour l’exploitation de celles-ci – ce qui pourrait constituer une forme de taxation sur ces grands groupes passés maîtres dans l’art de l’évasion fiscale.
Les gisements de données que brassent les leaders de l’Internet ont certes de quoi faire des envieux. Pourtant, un grand nombre d’entreprises disposent déjà d’informations sur leurs clients mais ne les exploitent pas de manière optimale. « Les données sont de trois types : first-party, second-party et third-party », explique Caroline Faillet, CEO du cabinet de conseil Opinion Act. « Les données first-party sont les données internes de l’entreprise – son fichier clients par exemple. Les données second-party sont apportées par les opérations menées avec les partenaires. Enfin, elle achète les données third-party (âge, sexe, CSP…), à des plateformes externes comme Google ou Facebook via des campagnes publicitaires ». Ces dernières, les fameuses DMP (data management platforms), pourront ainsi détecter que vous avez visité les sites Maisons du monde et Conforama et que vous avez donc probablement l’intention d’équiper votre logement. Tout l’intérêt de la démarche réside dans sa dimension prédictive : fournir aux annonceurs le bon profil au bon moment, c’est-à-dire juste avant un achat imminent […]
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