UGC, Web communautaire, web 2.0, média sociaux, réseaux sociaux, web social… les expressions pour désigner le phénomène ont fleuri depuis 15 ans. Contrairement aux idées reçues, les réseaux sociaux n’ont pas été inventés avec Facebook, ni même avec les blogs. Inscrite dans l’ADN du web, cette caractéristique qui consiste à mettre les internautes en relation les uns avec les autres et à leur permettre de contribuer sur la toile existe depuis la naissance du web avec l’e-mail, les forums et autres listes de discussion. Mais pourquoi ce fulgurant succès qu’on leur connaît ?
“These people are writing in their own voices because they want to help, to contribute. If it’s not altruism, it’s something close to it, with maybe an occasional touch of revenge”. Cluetrain Manifesto
Les études pleuvent depuis maintenant 10 ans pour attester du phénomène aujourd’hui bien connu de tous : les internautes accordent plus de confiance à leurs pairs, à travers des retours d’expérience et sites d’avis de consommateurs, qu’à la publicité. Attardons nous ici plutôt sur les raisons d’un tel succès et en particulier sur les raisons sociales. Nous en identifions 5 principales :
- le discours authentique , versus le discours policé
- le langage naturel , versus le jargon du communiquant
- l’identification possible , versus la publicité de masse
- la personnalisation , versus la communication descendante
- le pouvoir rendu au consommateur , versus le matraquage publicitaire.
1. Le discours authentique
L’internaute a une soif de transparence, d’information objective, et pas du propos lissé des équipes marketing. Parmi les cas d’école connus des premières expériences 2.0 du web, il y eut le « blog de la peau »animé par des marketeurs de Vichy et qui apparut aux internautes comme le comble du mauvais goût du Web 2.0.
En même temps, l’internaute a une opinion sur tout et ne se prive pas de la donner. Alors comment les internautes peuvent-ils avoir confiance dans les média sociaux ?
Qu’il s’agisse des forums, des sites d’avis de consommateurs ou des réseaux sociaux : tous les espaces d’échange qui se sont maintenus et ont gagné la confiance des internautes incluent une forme d’auto-régulation : évaluation des contributeurs, dénonciation du spam, obligation de neutralité de point de vue, « netiquette » à respecter…
2. Le langage naturel
Depuis 2000, on assiste à des tentatives de moteur de recherche en langage naturel, des agents virtuels en 3D qui sont censés être intelligents et répondre à vos questions. Alors pourquoi Yahoo crée-t-il en 2008 Yahoo Questions/réponses, un simple forum où les internautes reprennent du galon par rapport à l’intelligence artificielle?
Parce que rien ne remplace encore la formulation d’une question en langage naturel :
- Le contexte est précisé
- La communauté interprétera et étayera au besoin l’investigation de l’internaute
- Le dialogue est possible
Ce besoin de communiquer en langage courant est à rapprocher d’une quête toujours insatiable d’immédiateté .
L’internaute veut jouir de tout, tout de suite et, si possible, sans contrepartie. L’instant messenging et aujourd’hui un Snapchat par exemple consacrent une génération de l’accélération.
3. L’identification possible
La richesse et la variété des espaces d’échange permet aujourd’hui à l’internaute de poser sa question dans le réseau social où les internautes lui ressemblent le plus :
- Sexe : par exemple, les forums féminins..
- Région géographique : blogs d’actualité locale, forums locaux…
- Préoccupation/passion : les réseaux sociaux affinitaires comme Pinterest, Twitter ou les forums
- Profil CSP/secteur professionnel : réseaux sociaux professionnels comme Linkedin ou Viadeo
- Membres de sa tribu : réseaux sociaux personnels comme Facebook
- Etc…
Du coup, tout devient sujet à segmentation identitaire : Scoop It, Pinterest, Deezer, Netflix… vous proposent des contenus qui vous ressemblent, LinkedIn et Viadeo des profils similaires aux vôtres, Facebook affiche des publicités correspondant à vos centres d’intérêt.
La conception d’un profil implique la création d’une carte d’identité sur le réseau, également nommée l’identité numérique, qui sert à définir ses envies. Les sites qui conservent chaque profil peuvent suivre l’individu à travers ses différentes habitudes. Ce que l’on achète, mange, aime, écoute n’a plus de secrets pour ces agrégateurs de communautés.
4. La personnalisation
Longtemps annoncé par les marketeurs, le « one-to-one » trouve sa véritable expression dans les réseaux sociaux d’aujourd’hui.
Internet au service de l’ego : du récit à la première personne de l’influenceur qui nous livre sa vision, ses conseils, son expérience, à un lecteur d’une insatiable curiosité. Avec le blog, le leader d’opinion jadis désincarné prend du corps. Une photo, un pseudo mais aussi toutes ses préférences vont nous être connues.
Mais ce narcissisme n’est pas le seul fait des blogs . Avoir une réponse personnalisée selon ses besoins, son contexte particulier est une attente forte des internautes. Conséquence : les interventions des marques dans les communautés en ligne, le community management dit « externe », ne sont jamais rejetées d’emblée dès lors qu’elles respectent la règle de la personnalisation et du discours authentique.
Cette attente d’ultrapersonnalisation pourrait bien maintenant se retourner contre l’internaute. Avec le « retargetting » permis par les données, l’internaute se voit tracé sur la toile par des messages publicitaires lui poussant les produits qui lui ont plu ou qui pourraient lui plaire. Une évolution qui pourrait maintenant lui paraître trop intrusive.
5. Le pouvoir rendu au consommateur
Face aux marques, les réseaux sociaux et plus globalement les technologies représentent une immense courroie de transmission pour la mobilisation des consommateurs et leur gain d’influence :
- Consommateur suréquipé en permanence (téléphone photo/vidéo) pour constituer des preuves
- Sites de dénonciation, sites de pétition
- Forums juridiques
- Immersion dans ces espaces de sociétés se spécialisant dans l’aide du consommateur
- E-mail menaçant à tout moment d’une propagation virale et d’une reprise par des leaders d’opinion.
Les nombreux exemples de gestion de crise dans les réseaux sociaux, avec des marques ayant dû faire machine arrière suite à des mouvements hostiles de consommateurs sont d’autant plus encourageants pour le consommateur.
Une autre forme, plus positive, du développement du pouvoir du consommateur est la désintermédiation, elle aussi inhérente au fonctionnement du web et qui trouve une nouvelle incarnation dans les formes de consommation collaborative : crowdsourcing, couchsurfing, coworking, covoiturage…